Pourquoi aimons-nous les « méchants » ? 

By Eleonora Gobbi

ATTENTION cet article contient des spoilers de ces film/séries : Maléfique, Death Note, la saga Harry Potter 

Depuis notre enfance, notre monde est divisé en deux camps : le bien et le mal. Nous avons appris que le héros – le protagoniste qui œuvre pour le bien – gagne toujours, peu importe la situation. Des valeurs comme l’amour ou “le pouvoir de l’amitié” lui donnent la force de combattre jusqu’à la fin.  Mais alors pourquoi aime-t-on l’antagoniste (quelquefois plus que le protagoniste) ?  

Les raisons sont plusieurs et dans cet article, nous allons en analyser quelques-unes, en s’appuyant sur des exemples. Commençons tout de suite par Maléfique. La « méchante sorcière » de La Belle au bois dormant est considérée comme méchante, car elle met en place une terrible vengeance du fait de n’avoir pas été invitée au baptême de la princesse Aurore. Mais réfléchissons un peu : nous avons tous déjà été, mis de côté lors d’un évènement important. Et même si nous n’avons peut-être rien fait pour nous « venger », nous ne pouvons pas nier avoir ressenti de la rage, même seulement pour un court instant. Eh bien, Maléfique donne libre cours à cette rage, elle n’essaye même pas de l’arrêter. De plus, le film à son nom sortit en 2014, nous présente toute sa backstory : l’histoire d’une femme qui place sa confiance dans la mauvaise personne. Trahie, Maléfique ne veut pas et ne peut pas laisser cet homme qu’elle aimait s’en sortir impunément. Nous même aurions réagi de la même façon : on se serait sentis humiliés, trahis. C’est pourquoi le film a eu tellement de succès : Maléfique n’est pas méchante, seulement une personne qui a beaucoup souffert et avec laquelle nous sympathisons. Le fait qu’elle soit l’antagoniste dans l’histoire originelle ne nous empêche pas d’être empathique à son égard : nous pouvons nous identifier avec elle, car elle ne combat parce que « c’est son destin » ou parce qu’« elle a été choisie ». Comme un phénix, elle va renaître de ses cendres pour obtenir sa revanche et en devenir plus forte et une meilleure personne.  

 Parfois, le protagoniste est aussi « le méchant », ce qui engendrer deux réactions dans le public : admiration ou haine. L’exemple parfait est Light Yagami de l’anime  Death Note. C’est histoire d’un lycéen surdoué qui trouve un cahier appelé Death Note. Ses instructions expliquent que « la personne dont le nom est écrit dans ce cahier meurt ». Light trouve que notre monde est corrompu et cruel ; il décide donc d’écrire le nom des criminels qui apparaissent à la télévision dans le cahier, afin de créer un monde dans lequel l’injustice ne puisse avoir lieu. Ce propos semble noble… Mais est-ce-que tuer est vraiment la seule manière d’accomplir cela ? De toute évidence, non, une solution moins barbare pourrait serait la réhabilitation. Donc pourquoi Light Yagami dispose-t-il d’une armée entière d’admirateurs ? La réponse est assez simple, il fait ce que la loi n’est pas capable de faire efficacement :  se débarrasser des criminels. Nous tous voudrions vivre dans un monde plus sûr : Light pourrait nous l’offrir. Pourtant, il est important de noter que pour une grande partie de la population, la violence n’est jamais le moyen pour atteindre ses objectifs.  C’est pourquoi il est considéré comme un « méchant » …  avec lequel on pourrait partager des idéaux. 

 Il peut arriver que le « méchant » soit une personne qui, à cause de son entourage, n’a jamais connu la gentillesse et par conséquent se comporte cruellement avec ses pairs. C’est, selon certains fans, le cas de Draco Malfoy, personnage de la saga de Harry Potter.  En effet, il se considère supérieur à ses camarades en raison de sa lignée, ainsi que de son immense richesse et de son statut social. Il est souvent cruel envers les fils de Moldus, les étudiants de Gryffondor et tous ceux qui soutiennent Harry Potter ou Albus Dumbledore, le directeur de Poudlard.   Durant sa jeunesse, Draco a toujours admiré son père, Lucius Malefoy. Celui-ci exerce une grande influence sur l’adolescent, ce qui le porte à commettre des terribles actes, comme les tentatives d’assassinat de Dumbledore. On pourrait affirmer que, vers la fin de la saga, Draco connait son arc de rédemption : lorsque Harry est capturé, et que son père Lucius lui demande de le reconnaitre, Draco dit ne pas pouvoir confirmer avec sûreté son identité. De plus, dans la pièce de théâtre Harry Potter et l’Enfant maudit – dont les évènements ont lieu dix-neuf ans après la fin du dernier livre de Harry Potter – Draco est contraint de travailler avec Harry est ses amis. Ils commencent à bien s’entendre surtout grâce au fait que Draco est libre de l’influence de son père ; il a des opinions personnelles qui ne portent plus l’empreinte des préjudices de son père.  

Donc, qu’est-ce qui rend Draco un « méchant » tant aimé ? La justification se trouve dans le fait que Draco est un adolescent contrôlé par son père et par son entourage. Beaucoup de personnes ont déjà soutenu des opinions qui se sont révélées mauvaises et ont commis des graves erreurs à cause de leur milieu social.  Draco à la fin passe au côté du bien, il donne de l’espoir aux lecteurs : il s’est repenti et a réussi à trouver sa place dans le monde, à côté de ceux qu’il avait insultés auparavant.  

En conclusion, les méchants des séries, des sagas cinématographiques ou des livres exercent sur nous une certaine fascination parce qu’ils accomplissent parfois des actions que – même si elles sont moralement condamnées par l’opinion publique – nous partageons en partie au plus profond de notre cœur. Ensuite, ce sont très souvent, des gens qui ont été lésés et qui décident de reprendre leur vie en mains et de devenir plus forts, surprenant ainsi tous ceux qui n’auraient pas parié sur eux. De plus, les méchants trouvent parfois le moyen de revenir à une vie juste, ce qui permet au lecteur/spectateur de maintenir l’espoir qu’il y a moyen de trouver la paix avec soi-même et les autres.