Hokusai

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By: Alban Rauch (S6 FRA)

Hokusai et ses estampes

Joyaux de l’art japonais, les estampes d’Hokusai sont connues dans le monde entier. Sa vie et son œuvre témoignent aussi bien de la variété de son talent que font la louange de la beauté du sauvage. Son art novateur, à jamais associé aux paysages de l’Empire du Soleil levant, a autant de succès dans son pays qu’en occident où il fut exporté.

La vie d’un artiste vagabond

Hokusai était un travailleur acharné. Sans cesse en quête de perfection, il a étudié et expérimenté divers styles artistiques au cours de son existence. Et même en fin de vie, il dessinait chaque jour, en exprimant ainsi sa vision de la nature.

« Depuis l’âge de cinq ans, j’ai la manie de recopier la forme des choses. »

Fils d’artiste, et élevé par un oncle fabricant de miroirs et artisan d’art, Hokusai montre très tôt un talent pour le dessin et la représentation de ce qu’il entoure. Dès 13 ans, il entre dans un atelier de xylographie, art de graver le bois pour faire des estampes. Puis, à l’âge de 18 ans, il débute un apprentissage d’artiste dans l’atelier du maître Katsukawa Shunrō. Appartenant à l’école de l’ukiyo-e, un mouvement artistique très en vogue à son époque, c’est là qu’il s’initie au travail de peintre et à la technique de l’estampe japonaise. C’est aussi dans cet atelier qu’il se sensibilisera à la reproduction d’expressions faciales, domaine dans lequel son maître était spécialisé.

Au cours de sa formation et au début de sa carrière artistique, il illustre surtout des ouvrages populaires. Mais s’éloignant de son maître, il fréquente aussi d’autres écoles artistiques, où il apprend l’art japonais classique ainsi que l’art occidental et la perspective, notamment par le biais des commerçants hollandais. Dans ses œuvres, il change régulièrement de pseudonyme. Utilisant ceux de ses propres maîtres, il se considère lui-même comme un simple apprenti.

Petit à petit, il développe un style personnel, et, bien que pauvre, il fréquente l’élite japonaise, qui a ouïe de son talent. Recueils poétiques, calendriers, albums, longs romans mythiques, il illustre et s’illustre partout, jusque dans des dessins aux proportions gigantesques destinées au Shogun. Il utilisera son nom d’artiste Hokusai de 40 à 50 ans. Signifiant « atelier du nord », il fait référence par ce nom à la divinité bouddhiste de l’étoile du Nord, qu’il admire et vénère. Cependant, il emploiera d’autres signatures au fil des années.

« C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes »

Hokusai, voyageur solitaire, parcoure les routes du Japon. Tel un médiateur entre la nature et l’homme, il s’inspire des paysages qui l’entourent, et fait connaître son art dans les provinces japonaises. Ses voyages l’auront par exemple permis de cartographier les chemins qu’il arpente, et en particulier la route de Tokaido, dans son Panorama des sites célèbres sur la route de Tokaido (1818).

C’est pourtant en 1830, à 70 ans, que son œuvre connait son âge d’or. Maître du paysage et de la beauté naturelle, ses séries d’estampes Trente-six vues du mont Fuji et Les Cascades de différentes provinces sont des succès phénoménaux. Se considérant enfin comme un artiste plus qu’un apprenti, il choisit, en fin de vie, de se concentrer sur l’art de la peinture. Il décède à 88 ans, laissant ainsi un héritage artistique très vaste (graphisme, gravure, japonisme), encore présent aujourd’hui (bande-dessinée, manga, etc.).

« Si le ciel m’avait donné cinq ans de plus, je serais devenu un grand peintre. »

Hokusai , temporary exhibition in Paris | «(e)space & fiction

Hokusai Manga | Japanese vintage art, Landscape drawings, Japanese drawings

La technique de l’estampe japonaise

La réalisation des estampes suit une technique japonaise traditionnelle. Orchestrée par l’éditeur, celui-ci se doit d’être exigeant sur la qualité des estampes, la recherche du succès commercial imposant une concurrence rude entre les œuvres. Tout d’abord, l’artiste compose son dessin à l’encre noire sur du papier très fin.

Puis le papier est accolé à une planche de bois (1), et celle-ci est creusée avec des outils tranchants afin de ne conserver que les traits du dessinateur (2, 3 et 4). D’autres planches de bois sont également réalisées pour chaque couleur de la toile finale, où seules des parties du dessin correspondant à la couleur spécifique ne sont pas creusées et laisseront leur trace sur le papier.

L’impression se fait enfin en enduisant les planches d’encre ou de pigments (5) et en les appliquant tout à tour sur la toile finale (6, 7 et 8). Cette technique permettait de produire, et rapidement, de nombreux exemplaires des œuvres, toujours dans l’optique d’un art accessible à tous financièrement.

La technique de l'estampe ukiyo-e transmise aujourd'hui par les artisans |  Nippon.com – Infos sur le Japon

Un style ambivalent

« Quand j’aurai cent dix ans, je tracerai une ligne et ce sera la vie. »

Au cours de sa vie, Hokusai traverse des périodes de pauvreté, de famine, fait face à un incendie dans son atelier ou encore à la mort d’une de ses épouses. Son style artistique évolue en conséquence, passant de l’étude d’éléments naturels à l’illustration de romans, de l’estampe à la peinture. Ses carnets de notes, aux scènes et paysages variés, mettent notamment en lumière son talent multiple. On peut croire qu’il a autant donné vie à son œuvre que celle-ci l’a fait persévérer.

Hokusai appartient originellement à l’école de l’ukiyo-e. Signifiant « monde flottant », l’ukiyo puise son inspiration dans le bouddhisme, et défend l’idée d’une réalité éphémère, où l’homme doit s’adonner à la contemplation et savourer le moment présent. Dirigé vers les classes populaires, ce mouvement artistique était fortement associé à la technique de l’estampe japonaise. Plus tard, Hokusai semble s’y éloigner en étudiant l’art japonais classique et en proposant des dessins destinés à un public constitué d’élites. Pourtant, lorsqu’il compose ses séries d’estampes en 1830, il renoue avec l’éloge à la contemplation de la nature si bien associé à l’ukiyo.

« Oh ! La liberté, la belle liberté, quand on va aux champs d’été pour y laisser son corps périssable ! »

Sa série Les Trente-six vues du mont Fuji, qu’il compose de 1830 à 1834, est un art nouveau, mêlant le style japonais, avec un élément au premier plan et les autres sous forme de couches, l’art chinois et sa notion de vide et de plein, ainsi que la perspective occidentale. Les couleurs qu’il emploie, uniformes et détachées, rappellent aussi bien l’ukiyo-e, où chaque élément du décor a son importance, que la bande-dessinée, où les contours noirs délimitent les formes. Le bleu nuancé et récurrent dans sa série est un pigment récemment importé au Japon à cette époque : le bleu de Prusse. Tantôt mer, tantôt ciel, son intensité donne un mouvement au paysage, et les vagues, les nuages et les cascades sont à la fois figés dans un décor momentané, et continuellement en mouvement dans une nature agitée.

Dans un désir de perfection, les Trente-Six vues du mont Fuji placent la montagne sacrée sous plusieurs angles, nous offrant diverses vues de la nature environnantes et des hommes fragiles au milieu des saisons. Les scènes qu’il choisit, loin des sentiers battus, sont insolites par leurs points de vue et leurs paysages. Dans l’une d’entre elles, La passe d’Inume dans la province de Kai, la nature paraît divine. La colline semble être une vague, et le mont Fuji une île dans une mer de nuages. Les hommes, petits dans ce paysage, ne sont rien face à la montagne Une image contenant texte, nature, rive
Description générée automatiquement imposante et inaccessible, qui s’élève au-dessus de l’or du ciel.

« Même fantôme – J’irai marcher gaiement – L’été dans les landes. »

Signant par ses œuvres une éternelle admiration, voire vénération, pour la forme et le paysage, Hokusai aurait dédié ce dernier poème, sur son lit de mort, à la Nature et à l’Homme. Le trait fin, le paysage envoutant et les couleurs variées sont tous une danse poétique vers l’imaginaire naturel. « Le Vieux Fou de dessin », comme il se surnommait, nous aura peut-être entraîné dans sa déraison.